Produire du lait bio de qualité tout en garantissant à ses animaux santé, fertilité et bien-être peut exiger de revoir chaque étape du processus de production et son exploitation dans sa globalité. En termes de conseil en alimentation, les spécialistes proposent aux éleveurs des approches plus globales tout en garantissant le maintien de la production, de la fertilité du troupeau et de la santé générale des animaux. Marion Rivals, Ingénieure Agronome, spécialiste en alimentation bovine et responsable du suivi des troupeaux bio chez Anitech SA à Yvonand, nous rappelle certains principes importants à suivre tout en respectant le cahier des charges bio 2022.
Qualité des fourrages grossiers
En limitant les concentrés à 5% de la ration totale, les fourrages de base doivent en grande partie couvrir les besoins en protéines et en énergie. L’équilibre botanique voire une légère domination des légumineuses dans les prairies devraient permettre d’intensifier l’apport nutritionnel des fourrages de base. Une attention particulière au stade des plantes à la fauche ou à la pâture, ainsi qu’aux méthodes de récolte et de conservation des fourrages secs permettent de conserver le maximum de protéines, de sucres et de vitamines jusqu’au moment de l’affouragement. Attention toutefois au excès de potasse dans les mélanges trop riches en légumineuses, entraînant parfois la fièvre du lait, au même titre qu’une carence en calcium. La luzerne reste une excellente source de protéines et de fibres.
Couvrir les 100 premiers jours
Maintenir des animaux en santé est la clé pour maintenir un bon niveau de production laitière et des teneurs stables. La connaissance des besoins en nutriments pour l’entretien et la production est donc essentielle pour assurer une bonne couverture. Etant donné que les possibilités de correction sont limitées par la limite de 5% de concentré dans la ration totale, il est possible de privilégier les apports de compléments durant certaines phases exigeantes de la lactation, en priorisant par exemple le démarrage. Couvrir correctement les besoins en début de lactation permet de favoriser un bon niveau de fertilité du troupeau. Une fois les vaches confirmées portantes, il est conseillé de fortement diminuer voire d’arrêter l’apport de concentrés.
Et sans soja ?
Sans soja, il est possible de fabriquer des aliments avec maximum 25-27% de protéine. Pour cela, les alternatives protéiques les plus intéressantes sont les tourteaux de colza et du tournesol ou et de légumineuses comme le lupin voire le pois. Les méteils restent de bonnes sources de protéines et sont considérées comme fourrage de base dans la ration, malheureusement leurs valeurs nutritionnelles sont très variables d’une année à l’autre. Les bouchons de luzerne remplacent souvent le soja comme complément protéique et possèdent des teneurs en matière azotée entre 16 et 24%.
Production versus santé
Pour la spécialiste en alimentation des vaches laitières, avec 5% de concentrés dans la ration totale, il est difficile de maintenir de très hauts niveaux de production sans risquer de se retrouver avec des problèmes de santé des animaux. Parmi les troubles les plus fréquents on retrouve : une fertilité réduite, une déficience du système immunitaire, la cétose, les problèmes de mammites, des boiteries, des troubles hépatiques. Ces facteurs influent négativement sur la longévité des animaux. Revoir sa moyenne d’étable à la baisse et adapter la génétique de son troupeau au potentiel fourrager de la ferme doivent faire partie des réflexions globales de l’éleveur pour maintenir une productivité à la surface économiquement et durablement solide.
Accroissement des remontes d’élevage
Pour favoriser une bonne croissance des remontes d’élevage, les veaux doivent, dans un premier temps, avoir accès à du lait ad libitum pendant les 5 premières semaines, complémenté assez rapidement par un apport de foin assez fibreux mais de haute qualité, accompagné d’un peu de maïs d’ensilage. Pendant cette période, les apports complémentaires de concentrés se montrent très efficaces et favorisent le développement des papilles ruminales pendant les 5 premiers mois de vie. En fonction des régions et de la qualité des fourrages, les apports complémentaires de minéraux et d’oligo-éléments garantissent un bon développement de l’organisme, un renforcement du système immunitaire et un accroissement sans retard. Et à Marion Rivals de relativiser « Dans certains cas, il est préférable d’adapter les objectifs d’élevage aux exigences bio en retardant de quelques mois l’âge du premier vélage ».
Minéraux essentiels et sel pour bétail
Dans ce contexte, les apports en minéraux restent un élément à privilégier. Ceci est d’autant plus vrai qu’une partie des minéraux apportés jusque-là par les concentrés devra être compensée par un apport équilibré en macro et oligo-éléments, ainsi qu’en vitamines sous forme de compléments spécifiques. Pour garantir leur ingestion, l’accès et l’appétence des minéraux est fondamentale. En ce qui concerne le sel pour bétail, les besoins varient fortement d’une vache à l’autre, il est donc primordial d’en assurer l’accès si possible libre.
Nathaniel Schmid, Antenne romande du FiBL
Marion Allioux-Rivals, Anitech SA
Source: article paru dans l'Agri Hebdo du 16.04.2021
Pour en savoir plus
Affouragement bio (Rubrique affouragement)