Les dernières études le prouvent : la production de bœufs de pâturage bio est la plus durable en termes de captation de carbone, de faible consommation d’énergie et d’eau, de promotion de la biodiversité et de valorisation de nos herbages. Pourquoi cette viande ne se trouve que rarement dans les assiettes des consommateurs?
Aligner l’offre et la demande
Selon Romain Beuret, Président de la communauté d’intérêt du bœuf bio de pâturage (IG Bio Weide Beef), il est compliqué de synchroniser l’offre et la demande toute l’année. Ce produit étant 100% suisse, il n’est pas possible d’importer en cas de manque. En cas d’excès, les animaux maintenus vivants deviennent trop lourds. Même si en fin d’année, la situation est plus favorable, avec un léger manque de bêtes à abattre, le marché redevient rapidement excédentaire après les fêtes.
Un groupe de travail se penche sur l’élaboration d’une tabelle de prix adaptée aux fluctuations de la demande. Il s’agit d’inciter les éleveurs à prioriser les périodes de fortes demandes pour finir de couvrir leurs animaux. Les acheteurs sembleraient plutôt favorables à une telle régulation de l’offre par une réduction de CHF 0.20.-/kg de poids mort quand la demande s’effondre. Or, un supplément de CHF 2.40 est octroyé pour la qualité Bio Weide Beef.
Début d’année compliqué
Le marché de la viande est depuis plusieurs années très chamboulé. Plusieurs raisons sont clairement identifiées; l’inflation des autres denrées alimentaires et biens non-comestibles, la sensibilité des consommateurs aux enjeux sociétaux comme le climat, les nouvelles habitudes alimentaires tel que le véganisme et les importations. Afin de compenser le renchérissement, les gros acheteurs ont tendance à miser sur la viande importée, moins chère.
Franz Steiner, cofondateur du label Bio Weide Rind (Aldi) et observateur aguerri du marché de la viande bio en Suisse alémanique, relève les biais du mécanisme d’importation. En particulier, l’interprofession augmente les prix du bœuf suisse, les transformateurs achètent moins et se tournent vers l’importation. Par conséquent, lorsque les délais entre l’annonce et l’abattage dépassent les hiuit à dix semaines, les animaux devenus trop lourds, sortent du label, entraînant une lourde perte financière chez l’engraisseur.
Les aloyaux et les autres morceaux
Alors que tous les indicateurs se tournent vers le besoin de réduire notre consommation de viande, le choix des consommateurs pour les morceaux nobles favorisent l’importation massive. La logique voudrait que l’on soutienne les filières locales de haute qualité, participant à notre approvisionnement indigène, mais les transformateurs peinent à trouver preneurs pour les bas morceaux indigènes.
En misant sur la fiabilité de nos éleveurs et en valorisant l’entier des animaux, on atteindrait plusieurs objectifs : sécuriser notre approvisionnement en protéines animales, réduire notre consommation de viande par une diminution des importations, valoriser notre ressource herbagère tout en diversifiant nos activités agricoles, garantir la qualité de notre alimentation en maitrisant le cahier des charges, stabiliser les filières en place, garantir la santé économique des agriculteurs, manger moins mais mieux, sans renchérir le panier du ménage.
Le BWB, la réponse aux enjeux sociétaux
Les directives du label Bio Weide-Beef comprennent de nombreuses exigences et caractéristiques qui répondent à une urgence planétaire. Les animaux se nourrissent principalement d’herbe, les prairies permanentes sont des puits de carbone naturels qui, par la photosynthèse fixent le CO2 et sont très riches en biodiversité. Les ruminants ne sont pas en concurrence alimentaire avec l'homme sur les terres cultivées.
La production biologique est certifiée selon les directives exigeantes du Bourgeon. Tous les animaux sont nés en Suisse, nourris avec des aliments 100% indigènes et jouissent d'une liberté exemplaire : en été, sur des prairies à la ferme ou en estivage, en hiver dans des courettes en plein air. La viande issue de l'engraissement au pâturage contient des acides gras oméga-3, acides gras qui sont importants pour la santé humaine.
Les critères de qualité de la viande sont très stricts ; la maturation et la suspension rendent la viande tendre et lui permettent de développer toute sa saveur. Tous ces arguments repris généreusement dans la publicité qui remplit nos boites aux lettres se doivent d’être concrétisés au quotidien dans nos étalages et pris en compte par les consommateurs au moment de faire leur choix.
Nathaniel Schmid, FiBL Suisse romande
Source: article paru dans l'AGRI du 13 octobre 2023
Pour en savoir plus
Engraissement au pâturage bio (rubrique bovins)