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Des moutons sous les noyers: complexifier les systèmes pour améliorer leur robustesse

Nouvelle  | 

Un projet mené par le FiBL France vise à favoriser le pâturage de troupeaux de moutons dans les vergers de noyers, dans la Drôme et dans l'Isère. Objectif, créer des synergies entre deux secteurs d’activité qui auraient tout à y gagner.

Combien d'animaux animaux peut-on faire patûrer à l'hectare? Comment éviter le surpâturage? Comment adapter des vergers au pâturage? Les réponses à ces questions seront compilées dans un guide pratique qui sera publié à l'issue du projet de recherche (Photo FiBL)

En France, la pâture des vergers de noyers par les ovins fait l’objet d’un projet de recherche auquel participe le FiBL France (Photo FIBL)

Le projet PÂRTEN'R-AuRA est centré sur les vergers nucicoles, mais la dynamique d'échange entre éleveurs et arboriculteurs est tout à fait reproductible dans d'autres territoires, avec d'autres vergers ou types de cultures (photo FiBL).

« Avec ce projet, on cherche à déspécialiser les territoires et à lutter contre la monoculture, synonyme de fragilité », explique le chercheur au FiBL France Martin Trouillard.

Martin Trouillard, chercheur au FiBL France, se penche depuis plusieurs années sur la cohabitation de l’élevage ovin et de l‘arboriculture (photo Claire Berbain, FiBL)

La nuciculture recouvre pas moins de 10 500 hectares dans le quart sud-est de la France. À elles deux, les régions du Diois - dans la Drôme - et de la Vallée de l'Isère - produisent ainsi près de la moitié des noix françaises. 

Séparées par le massif du Vercors, où gravitent des dizaines de troupeaux d'ovins destinés à la production bouchère essentiellement, ces deux vallées font l'objet du projet PÂRTEN'R-AuRA financé par l'Union européenne et la Région Auvergne-Rhône-Alpes et co-dirigé par le FiBL France: réintégrer deux secteurs d'activité extrêmement spécialisés, la nuciculture et l'élevage ovin.

Des synergies évidentes

«D'un côté, on a des nuciculteurs qui considèrent généralement l'herbe comme une dangereuse concurrente. De l'autre, on a des éleveurs ovins en quête de fourrage, a fortiori quand le climat s'en mêle », résume Martin Trouillard, chercheur au FiBL France et basé à Eurre, dans la Drôme. «Ça semble évident qu'il y a des synergies possibles entre ces deux secteurs d'activité et que faire pâturer des vergers de noyers est une pratique agroécologique vertueuse en termes de ressources».

Le pâturage des vergers n'a en soi rien de révolutionnaire. Ancestral dans cette région française comme ailleurs, il s'est petit à petit perdu dès la deuxième moitié du XXe siècle, avec la spécialisation des zones agricoles et l'intensification des modes de cultures. «La mixité est devenue totalement anecdotique», relève Martin Trouillard. «Il subsiste quelques nuciculteurs-éleveurs, peu nombreux certes, mais qui sont sous notre loupe de chercheur!»

Nécessaire relation de confiance

L'agronome Marie Doreau s'efforce ainsi, dans le cadre de «PÂRTEN'R-AuRA», de comprendre ce qui freine les éleveurs et les nuciculteurs à davantage collaborer. «Les uns comme les autres ont peur de se faire lâcher et que la collaboration soit synonyme de contraintes», résume la jeune femme qui travaille pour l'association AgribioDrôme qui soutient les producteurs bio drômois. 

«L'éleveur a ainsi besoin de savoir quand et à quelle fréquence les traitements des arbres ont lieu. Quant à l'arboriculteur, il veut être sûr de la flexibilité du moutonnier.» Entre la disponibilité des troupeaux et l'itinéraire technique des noyers, il faut donc trouver les moments qui conviennent aux deux partenaires. «La clé, c'est d'instaurer une relation de confiance et de coordonner les agendas», conclue-t-elle.

Un contrat pour poser les éléments

La jeune agronome recommande donc de clarifier l'échange via un contrat. « Non pas pour alourdir administrativement ou mettre des sommes d'argent en jeu, mais pour solidifier la relation entre les deux partenaires qui comptent l'un sur l'autre, en abordant les contraintes de chacun, les responsabilités, et les points potentiellement problématiques: qui s'occupe des clôtures, qui paye les éventuels dégâts aux arbres ou pertes d'animaux, etc. »

En parallèle, Marie Doreau et les partenaires du projet élaborent également un guide des bonnes pratiques, comportant des recommandations zootechniques relatives au chargement en animaux à l'hectare aux façons d'éviter le surpâturage ou encore aux techniques d'adaptation des vergers au pâturage.

Quid de la compaction des sols

«D'un point de vue agronomique, les interrogations sont encore nombreuses » poursuit Martin Trouillard. « Comment favoriser un enherbement de qualité dans les vergers pour attirer les moutonniers ? Quels sont les couverts pâturables à privilégier, afin de rendre la pâture intéressante d'un point de vue nutritif pour le bétail?»

Le chercheur se concentre également sur l'impact du pâturage sur les sols des vergers - « une éventuelle compaction du terrain inquiète les arboriculteurs » - et en termes d'apports fertilisants. Enfin, la question qui taraude bien des éleveurs est celle des risques de contamination des animaux au cuivre, ainsi qu'aux insecticides.

Inquiétude autour de l'écorçage

Les arboriculteurs, eux, s'inquiète entre autres du phénomène d'écorçage des arbres. « Ce sont deux sujets extrêmement sensibles que nous tâchons de documenter scientifiquement et d'accompagner dans la pratique (vers le projet Ecorce). Si nous pouvons prouver que les bénéfices d'une telle pratique dépassent les contraintes occasionnées, alors les connaissances que nous produisons pourraient contribuer à lever les craintes des éleveurs et nuciculteurs. » 

Recomplexifier pour solidifier

Pour Marie Doreau et Martin Trouillard, le potentiel de cette mixité des pratiques est conséquent, d'un point de vue agroécologique, mais aussi commercial: «Dans un second temps, pourquoi ne pas se pencher sur la qualité de la viande d'agneaux engraissés dans les vergers, et déposer une marque ou une appellation «agneaux sous noyers»?»

En outre, le projet PÂRTEN'R-AuRA est certes centré sur les vergers nucicoles, mais la dynamique d'échange instaurée entre éleveurs et arboriculteurs doit être reproductible dans d'autres territoires, avec d'autres vergers ou types de cultures. « Notre idée, c'est de déspécialiser les territoires et de lutter contre la monoculture, synonyme de fragilité », insiste Martin Trouillard. « Remettre de la diversité dans les pratiques agricoles, et reconnecter ce qui a été mis dans des cases : la complexification des systèmes est source de robustesse ».

Claire Berbain, FiBL
Article paru le 28 novembre 2025 dans le journal AgriHedbo.

Pour en savoir plus

Projet Parten'R Aura 

Le projet ECORCE étudiait la cohabitation entre ovin et arboriculture (site web)

Association AgroBioDrôme (site web)

Le FiBL France cherche à documenter davantage les pratiques de pâture de petits ruminants dans des vergers, et est avide de témoignages en particulier à propos du risque d'intoxication des ovins par le cuivre et de l'écorçage des arbres. Si vous êtes concerné, ou connaissez quelqu'un qui a vécu ce type de situations, n'hésitez pas à prendre contact avec martin.trouillard(at)fibl.org

2026 a été proclamée l'Année internationale des parcours et des pasteurs, proclamée par les Nations Unies. Dans ce cadre, un symposium intitulé «Pastoralismes : regards croisés pour l'avenir» se déroulera du 23 au 26 mars 2026. 
Seminaire INRAE Avenir Pasto (site web)

Remarque: ce texte est une nouvelle du jour. Il ne sera pas actualisé ultérieurement.

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