Rencontres à la plus grande foire agricole française: De g. à dr., Coralie di Bartolomeo, Jordan Magnet et Nathanaël Jaquart (Photo et montage Adrian Krebs, FiBL)
Nathanaël Jaquart est agriculteur dans le Puy-de-Dôme. Il produit des légumes, des fruits, des noix et de la viande ovine. (Photo Adrian Krebs, FiBL)
La France est un pays très structuré. L'agriculture, qui est fortement dominée par les chambres régionales et départementales d'agriculture, n'y fait pas exception et l'agriculture biologique fait aussi partie de ces structures. Au Sommet de l'élevage, le rassemblement français des producteurs de viande et de lait durables, nous sommes allés tendre l'oreille au stand des agriculteurs bio régionaux.
La région Auvergne-Rhône-Alpes à la pointe
Avec 16,6 pour cent des exploitations et 10,8 pour cent de la surface en bio, la région Auvergne-Rhône-Alpes se trouve dans le peloton de tête au niveau national en matière d'agriculture biologique: elle se trouve dans les deux cas au troisième rang en comparaison nationale. Les 8403 exploitations représentent 14 pour cent des quelque 60 000 exploitations bio françaises. La surface a pour la première fois légèrement diminué en 2023 et 2024, mais elle se situe toujours à plus de 309 000 hectares (en moyenne 36,8 hectares par exploitation).
À l'occasion du salon à Clermont-Ferrand, nous avons demandé à deux producteurs bio et à une agronome quels étaient leurs principaux défis.
Nathanaël Jacquart,
- agriculteur à Luzillat (département du Puy-de-Dôme), à 350 mètres d'altitude
- Cinq hectares de légumes, deux hectares de fruits et de noix, dix moutons à viande.
- Trois employés français (chacun à 100 pour cent).
Deux tiers de vente directe, entre autres sur les marchés de Clermont-Ferrand et de Riom, un tiers dans des AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), des groupements d'agriculteurs et de consommateurs destinés à augmenter la valeur ajoutée et disposant souvent de leurs propres magasins.
« Mon plus gros souci est le changement climatique. Nous ne disposons que de peu d'eau. Mon besoin annuel s'élève à 6000-7000 mètres cubes par an. J'ai un puits relié à la nappe phréatique, duquel je peux prélever 3000-4000 mètres cubes. Les 3000 mètres cubes restants me sont fournis par un bassin que j'ai construit. Depuis quatre à cinq ans, nous adaptons aussi la production. Nous produisons davantage de cultures de printemps et renonçons à certaines espèces de choux; en été, nous ne cultivons pratiquement plus de salades. Nous disposons d'une irrigation par goutte à goutte sur deux hectares et un autre hectare est recouvert de filets d'ombrage. De nouveaux ravageurs nous compliquent la vie, parmi eux toujours plus d'altises. Nous produisons aussi toujours plus sous des filets. Dans l'ensemble, je suis toutefois un agriculteur satisfait. »
Jordan Magnet,
- agriculteur à Soyans (département de la Drôme), à 400 mètres d'altitude.
- Président de la commission Agriculture Biologique pour les chambres d'agriculture de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
- 60 porcs dont quatre truies, 100 brebis laitières Préalpes, 240 poules pondeuses.
- 40 hectares de surface agricole utile avec légumes, lentilles, pois chiches, fenugrec, blé fourrager, orge, maïs, luzerne (aussi sous forme de germes pour l'alimentation).
- 90 pour cent de vente directe, deux marchés hebdomadaires à Crest et La Touche, magasins des AMAP, restaurant sur l'exploitation appelé Ferm'Auberge. Condition pour l'agrément: au moins 51 pour cent des produits doivent provenir de l'exploitation.
« Mes principaux défis sont, d'une part, les possibilités d'investissement limitées. Pour une petite exploitation comme la mienne, il est très difficile de s'équiper de matériel adapté. Tout est dimensionné pour de grandes entreprises et incroyablement cher, par exemple les tracteurs et tous les outils portés. Pour pouvoir rester dans la course, je devrais amortir pendant une vingtaine d'années.
D'autre part, le loup est un immense problème pour moi en tant qu'éleveur. Bien que je ne me trouve pas dans une région montagneuse, il est très répandu dans notre département. La chasse est très sévèrement limitée. Il existe un quota national et les tirs ne peuvent être effectués que par des brigades spécialisées, mais seulement après au moins deux attaques. J'ai une bergère qui travaille à plein temps pour moi. Son travail est financé à 80 pour cent par l'État. J'ai aussi des chiens, des Kangals, mais les voisins en ont peur alors qu'il s'agit de 50 kilos d'amour (sourire). Je commercialise la majorité de mes produits en vente directe. Je planifie actuellement une boucherie avec trois collègues pour nous permettre de couvrir toute la chaîne de valeur ajoutée. Je cuisine moi-même dans le restaurant. L'éventail est large, de la viande avec des pommes de terre aux plats à base de pois chiches et de lentilles. Je veux faire plaisir à tout le monde.»
Coralie Di Bartolomeo
- Agronome
- chargée de mission « coordination du développement régional de l'agriculture biologique » à la chambre régionale d'agriculture Auvergne-Rhône Alpes.
- La région englobe douze départements et 11 chambres départementales d'agriculture. La France compte au total 13 régions et 101 départements.
« Ma tâche principale est la mise en réseau des onze chambres d'agriculture en ce qui concerne le bio et les contacts avec les partenaires externes. Notre principal projet est le plan régional de développement de l'agriculture biologique, prévu sur cinq ans et doté de plus de dix millions d'euros par année. Ce plan nous permet, en collaboration avec quatre organisations partenaires, de soutenir les exploitations bio existantes dans la commercialisation et le développement économique. Les canaux de vente, que nous essayons d'améliorer, sont aussi importants pour nous. Notre plus gros défi est l'adaptation aux attentes des consommateurs, qui changent souvent et rapidement, ce qui est vraiment compliqué. Après la pandémie de coronavirus, nous avons connu une forte baisse de la demande; le bio est considéré comme cher et les consommateurs voulaient faire des économies. Les personnes qui souhaitent soutenir les agriculteurs privilégient surtout la régionalité; le bio arrive au second rang. C'est pourquoi la conversion de nouvelles exploitations n'a pas été notre but prioritaire ces deux, trois dernières années. Au contraire, le nombre d'exploitations stagne, plusieurs d'entre elles ayant fait marche arrière avec la reconversion en raison de la situation du marché. Cette année, on observe enfin un retournement de tendance. La vente directe pourrait notamment fortement progresser, de plus de huit pour cent. La croissance est plus faible dans le commerce de détail, aussi parce que l'assortiment de produits bio s'est réduit. »
Adrian Krebs, FiBL
Plus d'informations
Chiffres relatifs à l'agriculture et à l'alimentation dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (draaf.auvergne-rhone-alpes.agriculture.gouv.fr)
Chambre d'agriculture Auvergne-Rhône-Alpes (aura.chambres-agriculture.fr)
