À l'invitation de Proconseil, le Français spécialiste de l'agroforesterie Alain Canet est venu dispenser son savoir sur les bienfaits de la présence arborée dans les vignes. Pratiquée depuis l'Antiquité, l'association arbre-vigne est en effet largement tombée en désuétude, alors qu'elle offre des services écosystémiques, climatiques et agronomiques.
Pourquoi faut-il redonner une place à l'arbre dans nos vignes?
En domestiquant la vigne, nous l'avons descendue de l'arbre. Autrement dit, on l'a sortie de son contexte forestier originel. Car l'arbre et la vigne sont deux plantes qui, à l'origine, vivent en symbiose. Réintégrer l'arbre au vignoble, c'est reconnecter la vigne à son partenaire historique. C'est ramener de la diversité – faune, flore, champignons. Et plus un système est complexe, plus il est stable. Or la vigne, monoculture par excellence, qu'on a affaibli et fragilisée au fil du temps, à force de greffage et de sélection, a donc cruellement de cet équilibre qu'offre la présence arborée.
En quoi l'arbre assure-t-il la pérénnité et la prospérité de la vigne ?
Une vigne fait 20% de croissance supplémentaire en présence d'arbres! Toutes les expériences prouvent que les associations donnent des rendements plus importants. Les plantes prennent mutuellement soin les unes des autres, à condition de bien les combiner, en termes d'essences.
En outre, l'arbre est vecteur de biodiversité, il héberge mésanges et chauve-souris (entre autres) qui sont parmi les meilleures auxiliaires de la vignes.
Quid de la concurrence tant redoutée par certain·e·s?
Il y a bien évidemment des précautions à prendre au début, dans les strates superficielles, sitôt la plantation, mais une fois que l'enracinement est profond, vigne et arbre vivent en harmonie. L'arbre n'est pas un concurrent, comme on le craint souvent. Il confère de la robustesse, atténue les chocs, allié à une couverture végétale et à la taille douce des ceps. L'arbre va également participer à créer la réserve utile en profondeur, que ce soit hydrique ou en nutriments. L'arbre draine ou hydrate son environnement selon les besoins, à condition d'être piloté finement. Enfin le rayonnement de l'arbre (à l'intérieur duquel il fait toujours 14°C…) permet d'atténuer les coups de chaud ou de froid dans son périmètre - c'est de la climatisation réversible.
Comment l'intégrer, concrètement?
L'arbre peut être intégré de différentes manières: on peut l'intégrer dans le palissage par exemple, en le contraignant et en ne lui laissant qu'un espace restreint. On peut l'intégrer sous forme d'une haie d'arbustes également, ou bien disperser des arbres isolés dans une parcelle. Dans tous les cas, il faut travailler l'angulation et tailler l'arbre de façon à ce que la lumière pénètre la vigne, sans quoi elle ne fructifiera pas. Celui qui pratique la vitiforesterie s'apparente en effet à un pilote de lumière. Il faut donc soigner la tailler des arbres, qui doivent selon moi être constitués aux deux tiers de branches et un tiers de tronc.
En ce qui concerne le choix d'essence, tous les fruitiers sont compatibles avec la vigne, ils amènent de la diversité d'un point de vue micorhizien.
On peut par ailleurs choisir de mener ces arbres en têtards: on participe à réhydrater le sol avec les déchets de taille, créant une "zone d'hyperfluidité". De manière générale, les arbres trognes sont de super structurants de sols. Ils stabilisent la matière organique, dynamisent l'humus, permettent aux arbres de vieillir en bonne santé, et de produire de la biomasse de manière exponentielle.
Propos recueillis par Claire Berbain