Une arboriculture ultra diversifiée, c’est le pari qu’a fait Ivan Thévoz sur son domaine agricole familial de 16 ha à Russy (FR). Il possède une très grande diversité d’arbres, notamment des espèces peu communes sous nos latitudes comme les pistachiers, noix de pécans ou amandiers. Produisant actuellement environ 150 variétés de fruits, toutes espèces confondues, il vise une diversification encore plus importante avec, par exemple, 100 variétés de pommes en culture d’ici quelques années. De nombreuses associations d’espèces sont faites : sur une parcelle, châtaigniers côtoient figuiers et pêchers de vigne. Sur une autre, les poules picorent au milieu des rangs de poiriers et pommiers. Enfin, les petits fruits sont aussi bordés d’arbres fruitiers. Sur tout le domaine, les tâches sont soigneusement partagées entre les membres de la famille. Les productions sont imaginées aussi pour répondre à la commercialisation mais aussi à l’autosuffisance alimentaire.
Dans le cadre d’une journée ProBio Permaculture, une vingtaine de producteurs et productrices ont pu visiter le domaine pour découvrir le système en place, mais aussi et surtout pour échanger sur le sujet. La permaculture permet la mise en place de systèmes variés, dont trois exemples, établis sur les cantons de Fribourg, Vaud et Neuchâtel, sont explorés cette année par les professionnels intéressés par le sujet lors de visites animées par le FiBL.
Quelques défis et difficultés sont ressorties de cet échange. Il est essentiel pour ce type de production de prêter une grande attention au design du projet : avec les arbres, revenir en arrière est compliqué. Ce qui est implanté au mauvais endroit, entrainant des problèmes d’ombre, de circulation, d’association, devra être arraché, ce qui fait perdre du temps et de l’argent. Les participant∙es ont aussi soulevé l’importance de la biodiversité sauvage dans ce type de système, et suggéré la mise en place de plus de structures pour la favoriser, en particulier des habitats à destination des prédateurs spécifiques des ravageurs. Enfin, un gros défi sur ce site est l’accueil du public, qui est invité à pratiquer l’autocueillette. Dans ce contexte, il convient de rationaliser le système et d’organiser les productions en rangs pour éviter les dégâts des clients, par opposition à aux systèmes d’associations complexes où seuls les producteurs sont à l’aise pour travailler.
Le groupe s’est aussi penché sur les leçons à tirer de cette expérience. La principale clé du succès du projet d’Ivan Thévoz tient dans ce principe de la permaculture : « appliquer des solutions lentes, et à petite échelle ». Le producteur a souligné que son système a été élaboré durant plus de 10 ans pour devenir très progressivement fonctionnel. Cette transition très lente par rapport à une production classique conventionnelle lui laisse une grande liberté pour observer, essayer et faire évoluer le système. La rentabilité repose comme souvent sur une commercialisation soigneusement mise en place : l’autocueillette mentionnée précédemment est très populaire dans la région, et le marché à la ferme connait aussi beaucoup de succès, permettant à la famille de vendre ses produits à un prix juste.
Hélène Bougouin, FiBL
Source : AgriHebo, parution le 26 août 2022
Pour en savoir plus :
ProBio est un projet financé par Bio Suisse qui a pour but de favoriser les échanges entre pairs autour de thématiques innovantes et de défis rencontrés par la profession. Les visites ProBio Permaculture sont co-organisées par Bio Suisse et le FiBL pour permettre aux professionnels du monde agricole de partager leurs expériences sur la diversité des systèmes permacoles.
En cas d’intérêt, il est possible de s’inscrire pour la prochaine visite qui aura lieu jeudi 29 septembre à Cernier (NE) chez Danielle Rouiller. Elle nous fera découvrir son système d’élevage, qui intègre des buissons fourragers. Plus d’informations dans l'Agenda.