La rédaction de bioactualites.ch/bioaktuell.ch inaugure une série d'interviews, donnant la parole à ceux qui s'engagent pour faire vivre le mouvement bio: les président·e·s d'Organisations Membres (OM) de Bio Suisse. L'occasion de faire le point avec eux sur ce qui les anime, leurs chantiers en cours, leurs espoirs et leurs préoccupations en tant que producteurs et productrices.
En quoi consiste « Le Festin Bio Neuchâtelois » que vient d'organiser votre association ?
C'est une première, à l'initiative du Jardin des Turricules, un des membres de l'Association des producteurs bio neuchâtelois: organiser un repas d'exception, avec le concours d'un restaurateur, en l'occurrence la Brasserie Le Cardinal à Neuchâtel, et mettre à l'honneur des produits bio et locaux.
Une trentaine de producteurs neuchâtelois certifiés ont ainsi fourni des matières premières pour ce menu qu'ont découvert une centaine de personnes.
Cette initiative exceptionnelle et qui a vocation à être reproduite s'intègre dans la stratégie de l'association qui vise entre autres à promouvoir les produits bio dans la gastronomie.
Quelles autres pistes explorez-vous à l'échelle cantonale pour faire avancer le mouvement bio ?
Outre l'engagement d'une personne dédiée spécifiquement à l'animation les réseaux sociaux et la mise à disposition d'un conseiller spécialisé dans l'énergie solaire pour les membres de notre association, nous essayons de gagner des parts de marché au sein de la restauration collective à l'échelle cantonale.
C'est un travail de longue haleine - il faut s'intégrer dans les réseaux existants, s'imposer comme un acteur à part entière dans les chaînes d'approvisionnement - mais absolument stratégique.
Les défis agronomiques sont nombreux en bio, notamment en grandes cultures. Comment agit votre association pour répondre aux impasses techniques qui concernent une partie des producteurs ?
Nous bénéficions d'un réseau de parcelles d'essai, via l'organisation d'un groupe Pro Bio particulièrement actif et dynamique.
Outre l'observation que les zones d'altitude sont de plus en plus indiquées pour la culture des céréales et des pommes de terre, nous explorons diverses pistes agronomiques pour dompter chardons, rumex et chiendents, qui sont effectivement problématiques pour nombre d'entre nous.
Mon fils et moi hébergeons par ailleurs sur notre domaine une parcelle d'essai dédiée aux cultures sur buttes de céréales, lupin et betteraves, depuis deux ans. Cette pratique s'inspire des réalisations à succès de collègues allemands et belges, découverts via les réseaux sociaux.
L'an passé, nous avons organisé une dizaine de visites sur notre essai, ce qui représentent plus de 300 personnes, bio et non, venues se renseigner sur cette technique et échanger avec nous.
Je suis convaincu que l'approche collective, intimement liée à la philosophie du mouvement bio, permet de solutionner des problèmes plus efficacement. Le partage et l'échange d'expériences nourrit, motive et inspire! C'est l'une des clefs du progrès agronomique.
Comment se porte actuellement votre association Bio Neuchâtel?
Nous comptons actuellement 120 membres. Leur nombre est stable – les arrivées régulières de nouveaux membres, notamment des exploitations de relativement grande taille, compensent les départs à la retraite.
Bio Neuchâtel se caractérise en outre par une grande solidarité et une parfaite ouverture d'esprit envers tous les courants et modèles. Nous travaillons en excellente entente avec tous les acteurs agricoles du canton, ainsi que les services étatiques.
D'ailleurs, pour la première fois cette année, les journées techniques de la chambre d'agriculture AgroCNAV se déroule sur un domaine bio, c'est un signe qui ne trompe pas !
Y a-t-il des secteurs d'activités qui sont source de préoccupation pour vous en particulier ?
L'étau se resserre autour des zones de montagne et des producteurs de bétail en altitude. Entre la langue bleue, la dermatose nodulaire et désormais le loup, les 40 000 bovins et leurs détenteurs qui gravitent sur nos alpages sont clairement sous pression.
La filière viticole constitue une autre source de préoccupation pour moi. Les Neuchâtelois comme tous leurs collègues helvétiques font face à un contexte commercial extrêmement lourd. Deux tiers des 600 hectares de vignes neuchâteloises sont bio. Ce qui représente environ la moitié des vignerons.
J'ai bon espoir que leur certification Bourgeon, qui n'a jusqu'alors été que peu revendiqué, devienne un atout d'un point de vue commercial.
Quels sont vos vœux pour le devenir de l'agriculture biologique dans votre région?
J'aspire à davantage de robustesse : comment rendre nos structures suffisamment solides pour traverser les moments de crises, économiques et climatiques notamment ? Je demeure persuadé que les circuits courts sont une bonne solution pour garder des marges financières dans les fermes !
Propos recueillis par Claire Berbain